/ LOREDREAMSONG -
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LOREDREAMSONG

(2010)

Après Self portrait camouflage – un solo habité par une foule de voix, de visages, de corps laissés pour compte – Latifa Laâbissi poursuit son exploration des représentations du minoritaire sous la forme d’un duo. Afin de brouiller les pistes, de faire résonner chaque geste au diapason d’un contexte social, historique et politique, Latifa Laâbissi et Sophiatou Kossoko revêtent une série de figures équivoques – camouflage instable, surface de projection qui diffracte les images, les intensifie, en révèle la part refoulée. Manipulant la matière explosive d’un imaginaire politique ciblant de plus en plus radicalement l’altérité, ces deux « esprits frappeurs » effectuent un montage d’états physiques rageurs, de fragments culturels détournés, de bribes de discours ou de mélodies, transportant un courant de fictions alternatives. Jouant de la silhouette familière et inquiétante du fantôme – forme voilée et anonyme – elles en font un véhicule pour halluciner le réel, « entendre des voix » – inflexions discordantes, cri de révolte ou blagues tordues. Quelle est l’activité du fantôme ? Hanter : des espaces, des esprits, des histoires. Dériver entre le visible et l’invisible en défaisant leurs frontières. Transformer le silence en chuchotement. Au fil de leurs errances, ces deux figures porte-voix provoquent des interférences entre les discours et propagent leur « petite musique ». Comme un refrain dont on se chantonne les paroles sans en comprendre le sens, une ritournelle obsédante, Loredreamsong laisse affluer les associations inattendues, les identités en trompe l’œil, les doubles-sens : un piège interprétatif, pour capturer l’image d’un autre qui ne cesse de se dérober. Derrière le travestissement des codes se profile l’horizon utopique du « lore », ensemble de signes nomades, ouverts au mélange et à la subversion ; un « folklore » sans « folk », sans appartenance ethnique ou sociale, « une matrice de savoirs, de récits et de pratiques qui est toute entière affaire de circulation » (Jacques Rancière).

Gilles Amalvi